Le Balcon d’art vous propose un événement 5 à 8 mettant en vedette Serge Brunoni jeudi le 16 mai à compter de 17:00.
Quand Serge Brunoni est arrivé au Québec, une carrière en art était la dernière de ses préoccupations. Comme la plupart des immigrants de son époque, une nouvelle terre signifiait de nouveaux défis, de l’inconnu et un tout nouveau départ.
Évidemment, comme bien des immigrants, Brunoni n’en n’était pas à son premier défi.
Né en France juste avant la Seconde Guerre Mondiale, sa petite enfance est évidemment marquée par les incertitudes et les privations inhérentes à l’occupation de son pays. Cela n’empêche pas le petit Serge de se découvrir une passion et un talent pour le dessin qu’il pratique furieusement durant toute son enfance.
Comme tous les jeunes hommes français de son époque, Brunoni doit bientôt faire son service militaire qu’il accomplit avec plaisir et qu’il voit déjà comme une aventure.
Suite à son service, il se joint à la Société de travaux et d’études topographiques (S.A.T.E.T.), qui travaille à la construction d’un chemin de fer en Afrique. Il passera trois années à vivre dans la jungle, heureux de satisfaire ses envies d’aventure. À ce jour, il ne tarit d’anecdotes à ce sujet!
Il arrive au Québec en 1963 et, suite à des discussions avec des gens du pays, choisit Trois-Rivières comme port d’attache. Au cours des années qui suivent, Brunoni s’affaire à différents emplois allant de cuisinier à vendeur d’encyclopédies.
C’est en 1969 que son épouse lui offre une boîte de couleurs et des pinceaux et qu’il découvre ce qui deviendra sa passion; sa raison de vivre. Il devient peintre professionnel à compter de 1972.
Brunoni tire ses influences de plusieurs sources. Érudit de l’art et de la philosophie, il met à profit ses connaissances et sa soif de nouvelles idées pour arriver à des sommets créatifs toujours renouvelés depuis maintenant cinquante ans!
Pour le spectateur un peu distrait, il peut apparaître lié à des traditions picturales une peu vieillottes voire éculées. C’est mal comprendre l’œuvre d’un peintre pour qui la poésie de son pays d’adoption ne cesse de renaître en des explorations plastiques qui tiennent autant des impressionnistes américains que de l’expressionnisme de Kandinsky ou d’Alwar Cawén.
Sa vision des grands espaces québécois peut rappeler René Richard mais l’économie de moyens dont il sait faire preuve le rapproche tout autant d’une Elaine de Kooning ou même de certains peintres minimalistes, prenant exemple du « less is more » de Ludwig Mies van der Rohe. En fait, chez Brunoni, immédiateté du geste trahit la poésie tout en conservant l’essentiel d’une approche plastique bien réfléchie. La liberté apparente dans la peinture de Brunoni est fermement ancrée dans une compréhension toute cérébrale de l’art transformé en une approche apparemment ludique et presque automatique.
Son interprétation de la ville trahit le lien d’amour/haine qu’il entretien avec les grandes métropoles. Le fourmillement affairé des acteurs des moments qu’il met en scène, les compositions complexes et parfois presque anarchiques qui peuplent les immenses tableaux qu’il affectionne particulièrement et l’apparente désinvolture qui transpire de l’œuvre urbaine de Brunoni amènent le spectateur au sein même d’une presque claustrophobie picturale qui montre bien le besoin de grands espaces de cet artiste avide de plein air et de paix.
Pour ceux qui ont le plaisir et l’honneur de connaître Serge Brunoni, il est une inspiration et une source de questions chaque fois renouvelée. Généreux de nature, il n’hésite jamais à partager ses plus récentes découvertes, ses lectures et ses réflexions sur littéralement TOUS les sujets!
Malheureusement, une santé déclinante et le fait qu’il ait maintenant atteint les quatre-vingts ans font que ce prolifique artiste a du ralentir sa production artistique autrefois d’une impressionnante célérité. En 2019, il continue toutefois d’étonner par la jeunesse de ses pinceaux et la vivacité de son esprit.
L’histoire nous le dira sûrement mais, une vue rétrospective de l’œuvre de Brunoni laisse facilement penser qu’il fera partie des rares artistes ayant marqué le Québec et que son travail restera dans les annales de l’art longtemps après son départ.
Steve Pearson
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