Narcisse Poirier
Le Québec est et a toujours été terreau fertile pour l’art et les artistes. Dès la Nouvelle France, les paysages grandioses que découvrent les premiers Européens arrivant chez nous inspirent d’innombrables artistes amateurs et professionnels qui cherchent à exprimer toute la beauté et la poésie des panoramas à couper le souffle que cachait chaque tournant de rivière, chaque vallée, chaque montagne.
Qu’on pense à Charlevoix qui demeure un havre de création même aujourd’hui ou à la Côte de Beaver Hall, certains endroits deviendront tout aussi symboliques que peut l’être Barbizon ou la forêt de Fontainebleau en France.
Tout comme ces endroits mythiques, il y a la Montée Saint-Michel. Ce chemin devenu la rue Papineau et qui, de l’avenue Mont-Royal, conduisait vers cet autre chemin appelé maintenant boulevard Crémazie, était recherchée pour ses boisés et ses décors champêtres. La Montée Saint-Michel a attiré de nombreux artistes peintres montréalais.
Selon Alfred Laliberté (peut-être notre plus grand sculpteur) c’est le goût de la peinture et l’amitié qui ont réuni les peintres de la Montée. Ces peintres qui n’avaient pas nécessairement des préoccupations esthétiques communes avaient tous fréquenté le Monument National. Ils firent de l’Arche (22, rue Notre-Dame), l’atelier situé dans un grenier autrefois habité par Émile Vézina et qui avait déjà abrité le groupe des Casoars, leur lieu privilégié de rencontres.
L’un de ceux-ci, qui marquera son époque, est Narcisse Poirier. Celui-ci, peu enclin à adopter les théories de l’art moderne, choisit, dès le début de sa carrière, une approche plus poétique, lyrique et, disons-le, classique à son œuvre.
Sa conception de la peinture s’exprime en ces termes : « J’ai toujours travaillé d’après nature tout en faisant de la poésie avec la nature…Je n’ai pas voulu m’en tenir à la photographie, ni faire de l’impressionnisme. J’ai toujours eu le désir de perpétuer le Québec de jadis dans mes toiles. »
Né en 1883 à Saint-Félix-de-Valois, il démontre une habileté et un talent dès son plus jeune âge.
À seize ans, il s’inscrit au Monument National à Montréal où il suit les cours d’Edmond Dyonnet, Joseph Saint-Charles, Alfred Laliberté, Henri Hébert et Elzéar Soucy. En 1920, il va perfectionner son art à l’Académie Julian de Paris en compagnie de son ami le peintre Rodolphe Duguay. Rapidement il se rend en Italie, puis en Angleterre.
Sa carrière en propre débute à son retour au bercail alors que le gouvernement du Québec achète, en 1922, l’une de ses toiles.
Par la suite, à compter de 1932, il exposera pendant vingt-cinq ans au Musée des Beaux-Arts de Montréal, fera de l’art religieux dans les églises – on trouve certaines de ses toiles dans les églises de Saint-Félix-de-Valois, de Saint-Eustache, de Notre-Dame-du-Très-Saint-Sacrement (Montréal) et de Rivière-du-Loup – et fera partie de ceux qui définiront l’art figuratif et ce pendant une bonne partie du vingtième siècle. En fait, Poirier fait partie intégrante de notre patrimoine et en particulier pour la peinture qui s’est faite ici depuis la première moitié du 19e siècle.
UN MONDE EN ÉBULLITION
C’est dans les années 1940 que la culture commence vraiment à faire parler d’elle et rejoint la population. L’enseignement des arts visuels au Québec est très récent. On crée une école d’art à l’Art Association of Montreal, puis on crée l’École du Meuble en 1935. On commence à la fin des années 1930 à donner des cours d’art dans certains collèges comme Brébeuf et Notre-Dame de Montréal.
On fonde, en 1942, l’Institut des arts graphiques de Montréal. L’enseignement donné dans ces institutions est cependant déjà contesté dès les débuts de la Guerre. On le dit trop académique, dépassé et écrasé par les traditions.
Face à cet état de chose, on assiste à l’émergence d’un mouvement moderniste qui sera représenté par Alfred Pellan et, surtout, Paul-Émile Borduas et les Automatistes.
Farouchement en guerre contre le conservatisme alors prévalent partout au Québec et, dans le cas qui nous occupe, le monde de l’art, Pellan et Borduas – diamétralement opposés dans leur approche mais frères de combat – amorceront un mouvement qui viendra bouleverser le monde de l’art et qui, jusqu’à la fin des années 1980, marquera profondément l’attitude des critiques et amateurs d’art du Québec.
Dans cet atmosphère de renouveau et de rébellion, un peintre conservateur comme Narcisse Poirier aura du mal à conserver sa pertinence et sera, pour plusieurs, relégué à un rang relativement secondaire du monde et du marché de l’art.
Ceci étant dit, il demeure évidemment un noyau dur d’amateurs d’art pour qui les modes n’ont que peu d’attrait. C’est ce noyau dur qui permettra à Narcisse Poirier de profiter, tout au long de la deuxième moitié du vingtième-siècle, d’une carrière et d’une notoriété tout à fait enviable et respectable.
Poirier peint jusqu’à la fin de sa vie en 1984. Pendant plusieurs années, après sa disparition, la demande pour le travail du peintre reste constante et la valeur de ses œuvres augmente de façon régulière.
À compter du vingt-et-unième siècle, cette tendance commence à ralentir avec le vieillissement de la population et l’érosion du bassin des admirateurs du vieux maître. Les prix obtenus par les différentes maisons de ventes aux enchères deviennent un peu décevants et il était souvent plus difficile de vendre les œuvres offertes.
Dans ce contexte, l’achat de tableaux de Narcisse Poirier peut devenir particulièrement intéressant pour quiconque admire le travail de celui-ci. En effet, plusieurs aubaines sont possibles et, si l’on se fie au passé, il est difficile de prédire où ce même marché se retrouvera dans quelques années.
Si un regain d’intérêt pour la peinture classique devait apparaître, la valeur d’un peintre du calibre de Poirier risquerait de grimper rapidement et un tableau obtenu à moindres frais pourrait prendre de la valeur de façon considérable.
Ceci étant dit, et comme nous le disons toujours, la première raison qui devrait pousser à acquérir un tableau devrait venir du cœur. Poirier a su exprimer toute la poésie du Québec avec justesse et sensibilité et ce devrait être raison suffisante pour l’aimer et accrocher l’une ou plusieurs de ses toiles sur nos murs.
S.M.Pearson, Le Balcon d’art, Mars 2019
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